Vous n’avez pas pu passer à côté de la permaculture au cours de ces dix dernières années ! Quand j’ai commencé à m’y intéresser, il y a une quinzaine d’années, les informations concernant cet art de vie étaient encore relativement isolées, ce qui n’est plus du tout le cas aujourd’hui. Le concept ne cesse de se développer et de trouver sa place dans notre quotidien. Nous nous contentons néanmoins souvent de ne mettre en avant que l’aspect agriculture de la permaculture alors qu’elle est bien plus vaste que cela. La permaculture, c’est une vraie philosophie de vie, une vision profonde et riche de notre rapport au monde et de notre rapport à nous-même, fondée autour des notions de respect, d’équité, de durabilité, d’esthétique, de coopération et de logique. Elle implique une réelle réflexion sur ce qui nous entoure et sur nos objectifs, en pleine conscience de nous-mêmes, de nos forces et de nos freins personnels, en commençant par le local pour s’ouvrir vers le collectif, ce qui permet un renforcement et une pérennisation des acquis. Pour résumer, la permaculture cherche à créer en conscience des systèmes équilibrés et résilients, respectueux de leur environnement.
Or, dans le domaine du développement personnel, on s’intéresse beaucoup aux différents outils à mettre en place pour avancer sur son chemin de vie, aux trucs et astuces en tous genres. Mais il arrive parfois que l’on néglige ce faisant l’importance de l’environnement de vie, tout à notre excitation de mettre en place les nouvelles techniques découvertes. Et c’est selon moi un des principaux écueils du monde du développement personnel tel qu’il est mis en avant en ce moment. Nous oublions l’environnement, au sens de « ce qui nous entoure ». Pourtant, celui-ci peut avoir des effets paralysants ou, au contraire, dynamisants en fonction de sa qualité et de son champ d’imprégnation. Il est donc essentiel de réfléchir à l’améliorer au mieux lors de tout changement de son mode de vie et je crois que les principes généraux de la permaculture peuvent nous aider à avancer sur ce sujet.
David Holgren, à l’origine du concept de la permaculture avec Bill Mollison, met en avant 12 principes fondamentaux de cet art de vivre. J’en ai choisi quatre qui me semblent particulièrement pertinents en rapport avec le développement personnel et notamment les deux secteurs qui m’intéressent professionnellement, à savoir la parentalité et la santé.
1) Observer et interagir
C’est le principe le plus fondateur selon moi de la permaculture : nous ne devons pas chercher à mettre en place une liste toute faite de cases à cocher provenant de sources neutres. Nous devons commencer par regarder ce qui nous entoure, apprendre à connaître les spécificités de notre environnement, identifier nos besoins et naviguer entre ces différents pôles pour avancer, dans le respect de chacun. En d’autres terme, je n’applique pas une recette toute faite, mais je m’adapte à ce que j’ai en essayant d’en tirer le meilleur parti, sans pour autant chercher à le changer du tout au tout. Si je peux aider la terre à ne pas sécher en été en la recouvrant, je ne vais pas pour autant essayer de faire pousser du melon en plein désert.
Cela ne vous dit rien ? Et oui, c’est exactement le principe de base de la parentalité corespectueuse que je défends. En tant que parents, nous nous devons d’observer sans cesse nos enfants pour les comprendre et reconnaître leurs besoins, tout en tentant de leur offrir le monde à partir de ces caractéristiques de base. Nous devons parfois réévaluer nos attentes de parents à cause de ces spécificités intrinsèques qui ne peuvent être modifiées dans le respect de l’autre : si mon enfant a des difficultés à rester en place, assis calmement sur une chaise, je vais peut-être devoir renoncer à en faire un bibliothécaire. Mais c’est aussi mon devoir de m’assurer que cette agitation n’est pas due à des interactions toxiques extérieures (alimentation, manque d’activité physique, usage inadapté des écrans, carence en nutriments, absorption de manières polluantes de sources diverses…) en tirant le meilleur parti de mon environnement. En gros, j’observe, j’interagis, puis j’observe à nouveau et je réévalue, sans parti pris et avec bienveillance.
Ce principe peut bien évidemment s’étendre à tous les autres domaines de votre vie. Si je souhaite me remettre à faire du sport, il est judicieux de commencer par observer quel type de sport est le plus adapté à mon mode de vie et à mon état physique actuel, lequel serait le plus apte à me motiver, à quelle heure devrais-je pratiquer, où… ?
2) Intégrer au lieu de séparer
Celui-ci, je l’aime beaucoup. Je l’aime beaucoup car il est à l’origine de mon mode de vie atypique : j’intègre mes enfants au quotidien dans mon monde et j’intègre autant que possible mon travail dans mon lieu de vie et dans mon environnement naturel proche. J’évite au maximum de cloisonner et c’est sans doute une de mes forces, car elle permet un enrichissement sans précédent. Nous assistons alors à la création de nouvelles relations basées sur l’entraide et la symbiose, plutôt que sur la concurrence. Si je cherche à gérer mon stress, je peux aller une fois par semaine pratiquer la méditation avec un groupe dédié. Les effets bénéfiques de cette pratique seront toutefois bien plus importants si j’intègre la méditation à mon quotidien et que je pratique chez moi, dans mon lieu de vie, en pleine conscience, par exemple. Mais cela n’est possible que s’il y a eu au préalable une réflexion poussée sur l’environnement de vie.
L’atmosphère globale que nous choisissons de donner à notre lieu de vie est primordiale pour atteindre nos objectifs en matière de développement personnel. C’est un sujet qui a été traité en profondeur dans le domaine de la pédagogie, avec des auteurs comme Maria Montessori, Rudolf Steiner, Charlotte Mason, John Holt, pour ne citer qu’eux, et qui est aujourd’hui encore essentiel dans le monde de l’enfance ! Les professeurs motivés et avisés - big up aux profs en passant et à leurs difficultés au travail - réfléchissent à l’organisation de leur salle de classe avant la rentrée, aux objets et aux livres qu’ils vont y proposer, à l’ambiance que celle-ci dégagera, car ils savent qu’elle jouera un rôle sur la qualité des apprentissages aux mêmes titres que les manuels scolaires. Mais pour une raison qui m’échappe, nous oublions parfois l’importance de cette atmosphère quand il s’agit des apprentissages chez les adultes. Elle est pourtant tout aussi essentielle !
En matière de lecture par exemple, vous pouvez imaginer créer un coin lecture agréable et attirant pour vos enfants, avec des ouvrages de qualité attractifs afin de les encourager à lire. Mais vous, parents, avez-vous un coin lecture à vous ? Un endroit qui vous incite à vous poser avec un livre, pour passer un moment de détente ou pour développer votre esprit. Charlotte Mason insiste beaucoup sur la mother culture, sur le fait que le pédagogue parent se doit lui aussi d’enrichir sans cesse ses connaissances, de prendre du temps pour soi dans ce but, du temps qu’il doit planifier pour nourrir son âme, continuer à apprendre et pour se ressourcer, que cela se fasse à travers un temps de lecture, de méditation ou d’une activité créative quelconque. Vous, concrètement, que mettez-vous en place dans votre environnement pour atteindre vos objectifs en matière de développement personnel ?
3) Utiliser des solutions lentes et à petite échelle
Il est plus facile d’effectuer des modifications à petite échelle, sur une surface relativement faible plutôt que de partir dans des changements herculéens qui pourraient avoir raison de nos forces. En matière de développement personnel, c’est un peu la même chose. Patience est mère de vertu et en voulant tout changer, d’un seul coup, très rapidement, on ne tient souvent pas la route. C’est ainsi qu’on se retrouve avec plusieurs abonnements à la salle de sport et à la piscine que l’on utilise plus au bout de deux mois.
Je propose souvent à mes clients de modifier leur alimentation étape par étape, en mettant en place un calendrier. La première semaine, ils changent telle habitude, la deuxième semaine, ils introduisent tel type d’aliments, la troisième semaine, ils diminuent la consommation de tel autre… L’idée est de prendre son temps et d’arriver à une certaine routine, en douceur. De ne passer à une nouvelle étape que lorsque la première est déjà bien installée. De la même manière, mes résolutions de rentrée ou de nouvelles années ne sont jamais une liste de réalisations à cocher mais plutôt des pistes de réflexion à étudier au fil de l’année. Tel mois sera consacré à améliorer tel sujet, par exemple la thématique du jeu dans notre famille, tel autre mois un thème plus professionnel, et ainsi de suite.
En agriculture, je ne peux pas me contenter de m’occuper de mon jardin une fois de temps en temps , même intensivement. Il a besoin de soins réguliers, particulièrement pendant les premières années. Si je lui donne des bases solides, il peut s’autoréguler pendant un temps avec peu d’interactions de ma part. Mais cela en se fait pas sans travail préalable. C’est la même chose dans la vie quotidienne. Si je veux mettre en place de nouvelles habitudes de vie, elles vont me demander une grande énergie au début, avant de devenir en partie autonomes. C’est pourquoi je dois réfléchir à ces routines avec pertinence, ne pas chercher à tout faire en même temps, prioriser et y aller en douceur, avec bienveillance. En mettant ou remettant le pied à l’étrier, je vais enclencher une série d’étapes qui me permettront d’avancer, en un cercle vertueux. Nous avons tous connu cela, nous nous remettons au sport et automatiquement, nous parvenons à mieux gérer nos pulsions alimentaires. Nous rangeons un peu la maison, nous nous sentons bien et nous nous mettons à procrastiner un peu moins…
4) Utiliser et valoriser la diversité
Si vous voulez renforcer un système et le rendre stable, vous ne pouvez pas vous contenter de miser sur un seul cheval. Vous devez au contraire chercher à exploiter au mieux différents aspects de sa complexité afin de le rendre aussi indestructible que possible.
Concrètement, si vous voulez perdre du poids, ne vous contentez pas de manger moins : faites du sport, prenez soin de votre corps, massez-le, chouchoutez-le mais prenez également soin de votre esprit en faisant des activités qui vous font du bien, qui vous valorise, et de votre intérieur en vous créant un vrai cocon bienfaiteur et beau qui vous motivera à prendre soin de vous. Créez une dynamique positive globale dont l’énergie vous portera aux sommets. C’est le principe même de la naturopathie : j’agis simultanément sur plusieurs tableaux touchant différentes sphères (physique, émotionnelle, énergétique…) afin d’augmenter les synergies et de décupler les effets des conseils pris séparément.
En conclusion, ces quatre principes ne sont pas seulement très intéressants en matière de permaculture ; ils sont aussi particulièrement adaptés à l’évolution de l’individu vers une meilleure version de lui-même si tant est que cela soit un objectif pour lui. Si vous voulez changer quelque chose dans votre quotidien, si vous avez un problème de santé ou si vous rencontrez des difficultés dans votre parentalité, gardez-les à l’esprit pendant tout le temps de votre période de transition. Ils vous serviront de garde-fous et vous aideront à garder le cap. Mais cet équilibre est fragile : un simple grain de sable peut parfois entamer sa viabilité. Et nous devons alors faire preuve de persévérance, pour ne pas perdre tous les bénéfices recueillis préalablement. D’où l’importance de bien réfléchir en conscience à la manière dont je veux changer mon alimentation / mon activité physique / ma gestion du stress / ma parentalité / ma santé / mon rapport à autres / mon rapport à moi-même... Plus je prends mon temps, plus j’intègre le changement à ma vie avec conviction et automatisme, en prenant en compte mon environnement global et ses diverses interactions, moins je serai soumis aux aléas de l’existence.
Familles-naturos
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