Pour terminer cette mini-série d'articles sur la simplicité - la simplicité dans les cosmétiques et la simplicité dans l'alimentation -, je voulais vous parler de la notion de simplicité en matière d'éducation et de l'importance qu'elle revêt à mes yeux.
Je vois souvent passer sur les réseaux sociaux des articles spécialisés en pédagogie positive qui nous présentent des outils généralement assez superficiels et finalement anecdotiques tout en nous promettant monts et merveilles. Certains sites internet écrivent même quotidiennement au moins un article sur la question, que cela soit le résumé d'un livre, d'une vidéo ou bien une compilation plus personnelle. J'avoue rester dubitative devant cet excès d'informations qui, même si je n'ai a priori pas de raison de douter de la bonne volonté du ou des auteurs, me semble potentiellement préjudiciable.
Mon père m'avouait récemment que lorsqu'il discutait avec des gens particulièrement bavards, il se faisait souvent la réflexion qu'on ne pouvait tout simplement pas parler autant et ne dire que des choses sensées. Je ressens un peu la même chose devant la débauche de conseils éducatifs. Est-il réellement possible d'écrire 365 articles intéressants sur l'éducation par an? Porteurs d'un message révélateur ou au minimum remarquable, au premier sens du terme? Le fait de chercher sans cesse la nouveauté et le commentaire particulier qui va attirer le regard et pousser à cliquer sur l'article en question n'est-il pas finalement dommageable pour le fonds même du message propagé, à savoir aider le parent en demande à être/devenir/rester un parent bienveillant?
J'imagine que certains d'entre vous, à la lecture de ce quasi-réquisitoire, se demandent où je veux en venir et se disent qu'il n'y a franchement pas de quoi fouetter un chat. Si je me sens submergée ou dérangée par ces informations qui m'entourent, il me suffit de ne pas les lire et le tour est joué! On n'en parle plus.
Ce n'est malheureusement pas si simple. Ces listes ont chez la plupart des parents un effet pernicieux: elles les insécurisent sur le long terme et les rendent dépendants de l'avis d'autrui - que cela soient des amis ou des professionnels - pour continuer à avancer. Si elles permettent parfois de trouver une solution immédiate à une difficulté rencontrée au quotidien avec nos enfants, ces solutions envisagées ne sont généralement pas pérennes. Parce que les enfants grandissent et que leurs besoins changent, parce qu'ils s'habituent à leur environnement et deviennent demandeurs d'autres choses, parce que leurs interactions avec l'extérieur évoluent... Il arrive alors toujours un moment où ce qui fonctionnait - proposer un pull bleu et un pull vert plutôt que de dire à son petit dernier de trois ans qu'il doit enfiler son pull, prévenir 10 minutes avant sa grande de 6 ans que nous allons partir de l'aire de jeux... - n'a plus d'effet. Car ces trucs ne fonctionnent qu'un temps fini, généralement de quelques semaines à quelques mois. Ce laps de temps écoulé, il est alors nécessaire de repartir à la pêche aux infos. Et nous sommes alors nombreux à nous retrouver complètement déboussolés et perdus à chercher la nouvelle solution miracle sur le compte Facebook à la mode ou le dernier livre éducatif paru parce que nous ne nous sentons pas à la hauteur, parce que nous doutons de nos compétences de parents. Parce qu'il est souvent plus rassurant de se raccrocher à du clef en main, à des conseils tout faits plutôt que de chercher en nous les solutions qui nous conviennent et sont réellement adaptées à notre famille à l'instant T.
Nombre d'adultes ont besoin d'être pris par la main pour oser avancer, même si peu ont la force de caractère suffisante pour le reconnaître. Cela n'a pas grand chose à voir avec leurs capacités intellectuelles ou émotionnelles. C'est tout simplement une conséquence de l'éducation qu'ils ont reçue et de la manière dont les adultes ont interféré avec eux au cours de leur enfance. Il est difficile d'avoir confiance en ses propres capacités à prendre soin de soi et à se débrouiller seul quand on n'a eu de cesse de nous seriner que d'autres savaient mieux que nous ce qui était bon pour nous. Quand on a entendu quotidiennement des phrases en apparence anodines telles que :
- "mets ton manteau, il fait froid" alors que nous n'avions pas froid,
- "attends, je vais le faire pour toi, tu ne vas pas y arriver, tu es trop petit" quand on essaie maladroitement de mettre ses chaussures, de découper une image ou de ranger un verre dans le placard,
- "ne pleure pas, ce n'est rien" après que nous sommes tombés et que nous nous sommes fait mal,
- "ce n'est pas l'heure de manger" quand on réclame un morceau de pain ou de légume pour patienter jusqu'au repas,
- "tu devrais faire comme ton frère, lui au moins il ..." quand on ne réussit pas aussi bien que les autres,
on finit par perdre confiance dans sa capacité intrinsèque à évaluer les situations et à y faire face. On grandit avec l'impression que l'adulte, l'autre, le détenteur de l'autorité, sait mieux que nous ce qui est bon pour nous. On ne fait plus confiance à ses sensations, à son corps, et à son instinct et parfois cette impression perdure, même lorsque nous n'avons aucune raison valable de douter de notre parfaite compétence en la matière.
Il me tient particulièrement à cœur dans ma pratique professionnelle que les personnes que je suis ne dépendent pas indéfiniment de moi pour avancer. Je ne suis qu'une étape sur leur chemin de vie. L'autonomie est une valeur primordiale qui, bien qu'en apparence souvent valorisée dans notre société, est généralement mise à mal au quotidien par les institutions, par notre besoin de ranger, de catégoriser, d'étiqueter ce qui nous entoure et nos peurs d'aller de l'avant et de prendre nos responsabilités.
Et si nous avons l'impression d'avoir toujours besoin d'une entité extérieure pour nous dire que faire ou pour valider nos essais, nous ne serons jamais totalement sereins avec nous-mêmes et avec notre accompagnement parental. Retrouver la confiance en soi peut demander du temps et il peut s'avérer nécessaire de se faire aider par un intervenant extérieur et neutre pour nous permettre de mettre en évidence certains dysfonctionnements ou pour nous soutenir dans les remises en questions de nos automatismes, mais le but ultime de cet accompagnement devrait être l'indépendance. L'indépendance face aux carcans sociétaux, aux habitudes familiales, au vécu transgénérationnel et à la pression de nos pairs.
Être parent, c'est être seul responsable de la qualité de la relation à son enfant. C'est accepter de faire des erreurs, de se tromper, de tâtonner, de remettre sans cesse en question ses croyances et ses habitudes, de sortir de sa zone de confort pour accompagner au mieux la prunelle de ses yeux.
Mais être parent, c'est aussi ne jamais rejeter la responsabilité de ses erreurs sur le dit enfant. Si celui-ci réagit d'une manière qui nous paraît inadaptée, c'est à nous de nous positionner différemment pour rétablir l'harmonie dans le lien parent-enfant. Pour prendre correctement soin de quelqu'un, il est néanmoins nécessaire d'être capable de prendre correctement soin de soi. Ce qui signifie être capable de s'aimer, de se respecter et d'avoir confiance en soi. C'est un chemin long et sinueux et il est souvent difficile d'accepter cette réalité. La vie est loin d'être aussi simple et aisée que nous le souhaiterions. Le développement technologique a permis un adoucissement notable des conditions de vie depuis deux ou trois générations qui a contribué à renforcer un besoin général de confort et de satisfaction instantanée et immédiate. Nous ne sommes plus habitués à attendre, à souffrir. Cette crainte de la douleur, de l'inconfort peut parfois nous pousser à chercher des solutions rapides et toutes faites pour éviter les problèmes ou à contourner ceux-ci dans le but de ne pas avoir à les affronter. Cet état de fait nous pousse à en vouloir toujours plus (alimentation, consommation, éducation, surstimulation des petits...) dans une tentative désespérée de calmer nos peurs et nos doutes pour ne pas avoir à les écouter. C'est la porte ouverte aux addictions en tous genres, des plus bénignes aux plus lourdes: addictions aux sucres, aux écrans, au sport, à l'alcool, aux drogues... par peur du vide et du silence.
Réapprendre à se taire, à écouter, à entendre. Réapprendre la force des choses simples. Être là pour son enfant, le regarder, le toucher, en pleine conscience, à 100%. Sans
penser au repas à préparer, au coup de téléphone à passer, ou à ce qui se passera dans deux ans si on ne lui apprend pas dès maintenant à dormir seul, à manger proprement. Lui laisser l'espace
nécessaire pour explorer, pour faire ses propres expériences, ses propres erreurs. Ne pas penser à sa place, ne pas préjuger du dénouement de la situation en fonction de notre expérience
personnelle, ne pas projeter nos craintes sur lui. Avoir confiance en lui, en la vie, en ses capacités à se créer son propre champ de fleurs comme tapis de son existence future. Ne pas se cacher
derrière des outils de puériculture ou des objets de consommation par peur de mal faire. Le plus est l'ennemi du bien. L'écologie éducative, c'est s'intéresser aux influences
qu'exercent parents et enfants les uns sur les autres et c'est trouver le chemin le moins polluant, le moins nocif pour la relation sur le long terme, en prenant son temps, en laissant les choses
se faire.
- Les toboggans et les aires de jeux ne pourront jamais offrir la complexité et la diversité de la nature,
- le transat ne permettra jamais la motricité offerte par un simple tapis au sol,
- les activités sportives du soir et/ou du mercredi n'engendreront jamais le même développement musculaire, moteur ni les mêmes interactions sociales qu'une bande d'enfants jouant sans adulte dans la forêt, ou que deux enfants allant à l'école ensemble en vélo,
- toutes les activités montessori relatives à la motricité fine ne remplaceront jamais l'intérêt de la participation à la vie de famille,
- tous les meilleurs livres du monde n'offriront jamais la capacité d'apprentissage de la transmission humaine,
- les écrans n'auront jamais la même valeur pédagogique que l'interaction humaine,
- toutes les tétines, les doudous et les bonbons ne remplaceront jamais le soulagement que procure un parent attentionné et bienveillant qui écoute des pleurs...
J'ai découvert il y a quelques temps des tétines dans lesquelles on pouvait introduire des morceaux de fruits afin que l'enfant absorbe tout doucement de minuscules bouts de fruits. On crée donc une dépendance de celui-ci à un objet inutile par manque de confiance en sa capacité à gérer de lui-même quelque chose de totalement naturel: manger un fruit. Le tout sécuritaire à outrance nous fait perdre notre autonomie et à force de vouloir éviter tous les dangers au quotidien, nous en créons de bien plus grands sur le long terme. Sans mentionner la nocivité des perturbateurs endocriniens contenus dans la tétine.
Nous, les parents, sommes les personnes les plus aptes à savoir ce qui est bon pour nos enfants. Car nous sommes ceux qui les connaissons le mieux. Et si nous nous donnons la peine de remettre en question nos automatismes, de ne pas prendre pour argent comptant ce que nous avons nous-mêmes connus enfant mais si nous cherchons à faire au mieux pour apporter respect et amour à nos enfants, alors nous trouverons notre manière de les accompagner main dans la main vers l'âge adulte.
A force de chercher une béquille, nous finissons pas ne plus pouvoir nous en passer et ne plus savoir comment fonctionner sans. Nous espérons parfois que nos difficultés vont disparaître toutes seules. La seule vraie solution sur le long terme est pourtant d'accepter de lâcher prise, de laisser les choses se faire et se mettre en place. Tout problème a une solution. Elle est parfois cachée, semble insensée, inaccessible, mais elle est là. Il suffit de se donner le temps de la trouver en analysant la situation et en se laissant la créativité de la trouver.
Je ne prétends pas avoir la science infuse et je crois dans le pouvoir des livres, dans le pouvoir de l'échange d'expériences pour créer des prises de conscience et amener le lecteur à changer sa vision des choses. Ne vous méprenez pas sur mes propos. Continuez à lire, à échanger, à donner votre avis, à vous extasier et à essayer ce que l'on vous propose afin de découvrir si cela vous convient. À utiliser épisodiquement des outils et du matériel pédagogiques pour palier aux difficultés et aux manques que vous rencontrez au quotidien en raison des contraintes innombrables de nos vies de fou actuelles. Mais ne perdez jamais cette confiance en vous qui vous chuchote à l'oreille que vous seuls savez et que la solution est en vous, au sein de votre famille. Que si vous vous en laissez le temps, vous la trouverez forcément. Et dans le doute, éliminez le superflu, cela vous permettra de retrouver l'essentiel.
N'oubliez pas non plus que demander de l'aide n'est pas un aveu de faiblesse mais est au contraire un signe de courage et de force. Nous avons tout parfois besoin d'une main tendue sur le chemin que nous avons choisi. Pas pour nous tirer ou nous pousser, mais plutôt pour nous montrer les possibilités qui s'offrent à nous, les croyances qui nous empêchent de nous épanouir, pour nous soutenir dans notre travail d'introspection afin d'éclore à la vie tels que nous aurions dû le faire dans un monde idéal. En tant qu'accompagnante en parentalité, je peux travailler avec vous sur ces questions de positionnement pour vous permettre de gagner en sérénité dans votre rôle de parent. Le chemin est long, on ne change pas profondément des habitudes et des reproductions de schémas familiaux en une heure ou deux, mais il vaut le coup. Si vous sentez que vous avez besoin d'un soutien neutre et bienveillant pour effectuer ce travail avec vous, contactez-moi! Il n'est jamais trop tard pour bien faire.
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